mercredi 22 février 2012

Les élites haïtiennes : des canards boiteux

Durant les vingt-six dernières années, le pays a reculé à tous les niveaux. Imaginez seulement qu'à l'époque des Duvalier, Haïti présentait un tableau sombre et, après ces derniers, la dégringolade s'amplifiait. Le résultat ne pouvait pas être plus catastrophique. Le séisme du 12 janvier 2010 est venu compliqué les choses dans un pays où le chacun pour soi est la règle. Pensez en terme macroéconomique est une lointaine perception ou réalité: il manque d'intellectuels organiques dans le sens de Gramsci. Il manque tout simplement de penseurs qui constitueraient une masse critique. On trouve ça et là d'échantillons de penseurs noyés dans la masse de médiocrité.


Frantz Fanon
N'est-il pas vrai que l'intelligence est la faculté de contourner les contraintes inhérentes à la vie en général? L'intellectuel étant celui qui utilise son cerveau comme moyen de faire face aux contraintes, donc d'en proposer des solutions pratiques, il est donc de son ressort d'amener ses congénères à s'en sortir de leur carcan apparent, de trouver la solution de l'énigme. Frantz Fanon disait dans Les damnés de la terre que souvent les élites sont tellement loin de la réalité du reste de la population qu'ils leur arrivent d'affronter la dure réalité du pays réel à leur pays imaginaire quand ils se lancent dans la bataille pour concrétiser le pays de leur imagination. Si l'intellect ne peut intégrer dans sa pratique quotidienne ses réflexions ou ses conclusions, il est dans la fantaisie; ses idées ne sont que de la masturbation intellectuelle. Celui qui propose des solution doit commencer par appliquer et croire dans ses propositions. Cela en est un aspect de l'intellectuel organique. Aussi, par extension, les élites doivent être en mesure de modifier le cours des choses; elles ne peuvent pas être des arrière-gardes, mais des leaders.


Depuis l'indépendance (1804) jusqu'à ce jour, le pays régresse à tous les points de vue. Le mal semble inexorablement incurable. On se complaise à répéter avec délectation un certain nombre d'évidences apparentes : ayiti tè glise (Haïti, le pays de l'incertitude); peyi an pa gen moun serye(il n'y a pas de gens sérieux dans ce pays), ou byen se mantalite nou pou nou chanje (il faut changer notre mentalité), etc. Ces apories en apparence sont les moyens par excellence pour se faire passer comme quelqu'un qui pense les problèmes du pays. C'est la posture générale à tenir quand on veut se faire passer pour le Pic de la Mirandole. Le paraître est tellement important dans l'ego de l'Haitien qu'il surdétermine son être : on ne veut pas être ce qu'on est, on préfère être ce qu'on n'est pas; on se force même à être ce qu'on est pas.


Il est déconcertant de voir comment Michel Martelly a pu se hisser à la plus haute magistrature du pays sous le nez de militants invétérés. Son adversaire, en l'occurrence Mirlande Manigat, faisait piètre figure aussi bien durant sa campagne que dans le débat. Autre fait cocasse : certains prétendus intellectuels appuient Sweet Micky. Quelle gymnastique intellectuelle pouvait amener à ce choix? Allez donc savoir.

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