mardi 24 janvier 2012

Les racines profondes de la crise structurelle haïtienne

Aujourd'hui, je voudrais partager avec vous ma réflexion sur les racines profondes de la crise haïtienne qui perdure depuis au moins 208 ans. Après avoir réalisé une révolution, en 1804, qui est la révolution la plus importante, depuis la découverte de l'écriture, dans l'histoire de l'humanité, ce pays s'entête à creuser sa descente aux enfers. Il est évident que le racisme ambiant dans les relations internationales que les puissances européennes avaient pour credo tout le long du XIXe siècle et pendant la première partie du XXe siècle a été un frein important dans le relèvement d’Haïti. On a qu'à se rappeler l'énorme indemnité payée à la France pour la reconnaissance de l'indépendance du pays, soit 90 millions de francs or , qui représentent aujourd'hui 17 milliards d'euros. Les brigandages de l'Allemagne, soit dans les affaires du capitaine Batsch ou de Luders; le financement de l'instabilité durant le XIXe siècle par la fabrication de gouvernement dans l'intérêt de la communauté allemande qui vivait en Haïti. Point n'est besoin de vous dire que les oligarques et les autres élites de la nation, soit les intellectuels ou politiques, ont aussi tiré leur beurre dans toute cette instabilité de par leur vision à courte vue : l'instabilité est un marché politique et économique où la consommation de la misère du peuple est la marchandise de première nécessité. Pendant ce temps, aucune politique d'infrastructure ou de superstructure (éducation, culture, etc.) n'a été instaurée. L'éducation est laissée à la merci des congrégations religieuses, le vaudou est diabolisé...


Nos malheurs ne viennent pas seulement de la politique d'exclusion  pratiquée par les puissances européennes et les États-Unis d'Amérique mais aussi des élites haïtiennes qui s'accoquinent avec les étrangers pour leurs intérêts mesquins. Il n'est pas du tout exagéré de parler de mercenaires quand on doit désigner ces élites. La politique n'est-elle pas la science des contraintes? La contrainte fait partie intégrante de la vie. Seuls les peuples qui savent gérer les coûts alternatifs de la contrainte s'en sortent. Ces étrangers pourraient être des agents de progrès si on avait une politique d'intégration et de nationalisation de ces derniers. Le peu d'intérêt pour la reproduction qualitative de l'élite est symptomatique de la misère généralisée (matérielle et intellectuelle). Comme Jean Vernon aime bien à le dire : qu'on appelle philosophes ceux qui ont complété leurs études secondaires est l'évidence même de la médiocrité de ces prétendues classes dirigeantes. Il n'est donc pas surprenant qu'après 2008 d'indépendance que ce soit la République dominicaine qui nous construise un campus universitaire.

Les plus grands maux de ce pays est l'haïtianité que je résume ainsi : surtout le bovarysme culturel, le réalisme merveilleux, traduit par Jean Price Mars, Justin Lhérisson, Fernand Hibert et Jacques stepphen Alexis dans leurs œuvres respectives. On aime bien se péter les bretelles; nous sommes des grands parleurs mais des p'tits faiseurs. La vraie révolution en Haïti passe par l'éducation: il faut réformer les maîtres, dirait l'autre, pour donner aux générations futures le goût du savoir pour transformer leur milieu, donc des connaissances procédurales et conditionnelles ou inductives selon Spinoza, et pas uniquement des connaissances déclaratives pour épater la galerie. Ce qui est malheureusement le cas depuis notre indépendance en 1804. Il va sans dire que le peu d'intérêt ou l'incapacité de penser l'avenir des classes supérieures, puisqu'elles ne se sont jamais intéressées à construire la nation haïtienne, donne comme résultat un pays rachitique à tous les points de vue. La faiblesse des mouvements sociaux dans ce pays est la conséquence du caractère mercenaire de cette oligarchie. Dans aucune sphère de la vie publique, aucun mouvement social ne s'est jamais affirmé comme une voie de changement; l'absence critique de mouvements sociaux qui ont une masse critique pour imposer le changement a jalonné l'histoire haïtienne jusqu'à ce jour. A part le succès de la guerre de l'indépendance, tous les mouvements sociaux sont morts au feuilleton. En l'espace d'un cillement, les mouvements naissent et meurent, quand ils ne sont pas manipulés par des politiciens véreux pour un plat de lentille.

En conclusion, j'ai dû survoler certains détails, car le développement aurait demandé des recherches beaucoup plus poussées, mais surtout dépasserait l'objectif d'un billet de réflexion. Je crois que ceux qui veulent changer le cours de cette histoire haïtienne doivent trouver des stratégies gagnantes. Le processus ne doit pas être précipité, cela doit être un cheminement méthodiquement mis en place, pierre après pierre. Je crois aussi que l'idéologie ne doit pas être un frein à l'avancement de ce projet de transformation des relations sociales foncièrement inéquitables. La diaspora haïtienne, les institutions internationales, en particulier les ONG, devraient être des sources, des tremplins à la réalisation de ce bond en avant. Il faut savoir conjuguer avec le côté pernicieux de tous ces éléments et les virer de bord.

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