lundi 1 octobre 2012

Le mal haïtien : une endémie séculaire (suite)

La crise institutionnelle qui affecte Haïti, depuis plus de 2 mois, fait couler beaucoup de salives. L'irrégularité ou l'illégalité des mesures prises soit par la formation du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), soit du choix arbitraire de ce dernier de 3 membres du Conseil Électoral Permanent (CEP), ou encore la promulgation du décret de la formation du CEP amputée des 3 membres du pouvoir législatif ne doit pas seulement nous dégoûter, répugner, écœurer mais surtout nous appeler à comprendre que, comme disait Marx, «La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants.»

Toutes les pratiques de nos dirigeants de Toussaint Louverture, en passant par Dessalines, jusqu'à Michel Martelly sont des constantes des relations sociales, culturelles, économiques et politiques. Personne n'est épargné aux multiples dérives qui nous guettent. L'inconscient collectif avalise notre morbidité à persister dans la déchéance des mœurs, de la morale, de l'éthique, en bout de ligne la perte de la Mère Patrie. Tous les chefs d'état qui ont dirigé ce pays ont dilapidé les deniers publics avec la complicité d'une «élite» mercenaire, sans vision à long terme. La descente abyssale du pays dans l’abime n'inquiète nullement une frange considérable de ces élites.

La culture de rapine des fonds publics constitue une seconde nature de l'homme haïtien. L'éthique publique est absente; le vol des deniers publics n'est pas sanctionné par la clameur publique, voire par le système judiciaire. Au contraire. La morale publique valorise cette pratique parce qu'elle trouve «intelligente» toute fourberie. Tout refus de s'associer à la prévarication des fonds publics est considéré comme de l’imbécilité. Alcius Charmant à la fin du XIXe siècle, sous la présidence de Florvil hyppolite, s'est fait dire, par un proche de ce dernier, un de ces collègues député, qu'il était un imbécile parce qu'il ne voulait pas collaborer à la rapine du trésor de l'État. Le cas Noé Fourcand, Ministre des finances de Estimé, qui n'a pas voulu donner son aval au contrat pour la ville du Cap-Haïtien à la compagnie Maritimas, à cause de la fourberie qui accompagnait ce contrat, a mécontenté Paul Eugène Magloire, et qui serait l'une des raisons du coup d'état contre Estimé, s'est fait dire plus tard par François Duvalier qu'il ne serait jamais son ministre, en dépit de sa compétence, car il n'aurait jamais accepté qu'un ministre s'oppose de façon cavalière à ses décisions. Face au chef la soumission doit être totale : aucune velléité d'indépendance ne doit être manifestée au risque de tomber sous le coup de sa disgrâce.

L'intégrité est acceptée au niveau du discours mais est fortement punie quand elle devient une conviction : tout ce qui persiste à être honnête est soit exilé ou assassiné. C'est le cas d'Alcius Charmant qui a dû s'exiler à Paris, c'est le cas de Boyer Bazelais, chef du Parti Libéral au XIXe siècle, qui a été tué parce qu'il ne voulait pas participer à la dilapidation des fonds durant le règne de Boisrond Canal. Bref, la soumission au chef et au clan mafieux de ce dernier doit être total. La corruption n'a pas de couleur : Les Blancs, les Mulâtres et les Noirs ont tous participé au vol du trésor, et le pauvre paysan, par l'entremise de la production du café, a été celui qui supporte la gabegie financière des classes supérieures. Le désordre financier aux XIXe et XXe siècles, par l'émission de bonds pour financer la prévarication de tout ce beau monde, avec une certaine modération durant l'occupation américaine, a miné toute velléité de mettre ce pays sur ses rails. L’État taxait fortement la paysannerie sans lui apporter les ressources nécessaires pour améliorer ces techniques de culture ni l'amélioration de son niveau de vie. Un ensemble de rapaces, allant du grandon(grand propriétaire terrien) au spéculateur, et d'autres intermédiaires, s'enrichissent sur le dos du producteur de café, le paysan qui s'appauvrisse plus les années passent.

Notre héritage : les dédales d'un mode de pensée

   Les apories discursives   Les invariants du mode de pensée haïtienne font partie des forces de freinage de tout progrès . L'un de ce...