dimanche 28 avril 2013

La source principale de nos échecs...

Quelle est la source de l'échec des élites progressistes en Haïti ? Qui a essayé de créer une rupture épistémologique durant les 50 dernières années? Je serai lapidaire dans ma réponse. Une mise au point est nécessaire là. Dire la vérité n'est pas un manque de fibre patriotique; dire la vérité dans le cas d'Haïti, c'est refuser que notre pays continue à s'enfoncer dans les limbes abyssales. Cette mise au pont étant faite, je dirais que la principale cause de l'échec se situe dans l'exclusion des masses du débat national. Ces élites se partagent les connaissances entre elles. Leur véhicule de diffusion des idées a été longtemps la langue française par le moyen de l'écriture dans un pays où 90% de la population ne sait ni lire ni écrire. Dans une société de l'oralité, le message atteint un cercle très restreint de la population. Je ne serai pas prêt à lapider ces mandarins à l'autel de la patrie. Beaucoup sont de bonne foi. Le poids rétrograde du système éducatif est à mis au passif du blocage de la solution haïtienne. Car, l'éducation peut être un facteur de développement humain mais aussi un frein : il faut voir la différence en Europe entre l'école de la noblesse et celle des bourgeois qui vont donner la révolution française. Diderot et D’Alembert ont été à la source de cette démarche dans leur célèbre Encyclopédie.

Le débat sous le gouvernement de Boyer autour de la protection de l'industrie nationale autour de la Feuille de Commerce, laquelle, de surcroit, qui est un sujet hautement technique dans une société où peu de gens possédaient les connaissances de base, n'a touché qu'un nombre insignifiant de gens, ce qui a permis au gouvernement de Boyer de passer outre leurs arguments, quand ces intellectuels n'ont pas été purement bâillonner, en collaboration avec les puissances coloniales de l'époque. C'en est l'une des raisons fondamentales de leur échec. La réussite des Duvalier dans leur longévité au pouvoir a été encore l’échec des élites progressistes à sortir de leur prison mentale, entre autre éducative et culturelle au sens large. Par conséquent, le pays tout entière souffre des affres de ce carcan idéologique, avec pour couronner le tout, Michel Martelly au timon des affaires du pays.

Une autre situation pour illustrer notre propos est l'échec du parti libéral bazélaisiste dans leur volonté de mettre Haïti sur la voie de la modernité entre 1870 et 1880. Ils n'ont pas su s'allier la vaste majorité de la population. Leurs idées sont restées dans un groupe restreint. L'échec de Firmin en 1902, 1908 et 1911 peut être situé dans ce même dilemme. Les erreurs de ce dernier dans cette démarche pour la prise du pouvoir ne doit pas être occulté, en dépit de mon admiration pour cet homme. L'échec de la lutte contre l'occupation américaine en est un autre exemple.

Ce dont je convie tous ceux qui ont à cœur le problème haïtien, c'est de mettre en œuvre des stratégies à court et à moyen termes afin de changer le cours macabre de notre d'histoire. Tombons d'accord sur une chose : Haïti n'ira nulle part tant que la grande majorité de la population s'enfonce dans la misère abjecte et l'ignorance. Aussi, je dirais à l'élite intellectuelle et aux autres élites que, inconsciemment, vous êtes victimes de ce manque de savoir du peuple parce que le principe des vases communicants se répercutent au niveau social, économique, culturel, etc. Quand un milieu est culturellement faible, l'effort d'imagination, de la rigueur en souffre d'un terroir bouillonnant d'idées contraires et, comme par voie de conséquence, du choc des idées contradictoires jaillisse la lumière. La rigueur intellectuelle se nourrit d'une masse critique de gens bien informés et de haut niveau intellectuel. Finalement, les miettes du savoir rejailliront sur l'ensemble de la population.

Permettez-moi de vous rafraichir la mémoire ou attirer votre attention sur une réponse salutaire qui a été trouvée par Jean L. Dominique dans les années 70 en utilisant le créole sur les ondes de radio Haïti. Le peuple est entré de pleins pieds sur la scène politique pour y rester par le dialogue ouvert entre tous les membres de la société à partir d'un véhicule commun à tous les Haïtiens, le créole. Jamais le peuple n'a été aussi longtemps présent sur la scène politique dans l'histoire haïtienne. Cela explique en partie pourquoi la crise haïtienne depuis plus de 25 ans, soit de 1986 à aujourd'hui, perdurent. Et cette présence du peuple sur la scène politique est une bonne affaire pour construire l'État-Nation, donc une citoyenneté haïtienne. Quand nous serons tous citoyens haïtiens, personne n'osera traiter notre culture de diabolique comme des évangélistes américains se plaisent à inculquer cette absurdité à plusieurs de nos citoyens, qui les reprennent à leur détriment. Ce que ces compatriotes ne comprennent pas, c'est que ces évangélistes leur disent qu'ils sont des infra-humains, donc des bêtes, qu'ils ne sont pas des êtres humains. Comment peut-on accepter ce racisme primaire et le répéter avec une fierté qui défie l'entendement!?

Aujourd'hui aussi, aucune sortie de la crise ne pourra se faire si un projet n'a pas été vulgarisé à l'intérieur des masses par la voie orale, en attendant l'instruction universelle pour tous et toutes. Jean L. Dominique avait compris qu'il fallait informer le peuple dans sa langue en même temps qu'il fallait servir les élites dans leur langue de prédilection, soit le français. Voilà la créativité à l'état pur. Et pourtant, personne ne peut mettre en doute la maitrise de ce dernier de la langue de Molière. Il avait compris que la connaissance était un patrimoine qui servait à transformer son milieu, mais non un acquis pour se faire valoir uniquement.

Tout projet de modernité doit tenir compte de l'amélioration du sort des masses populaires. Ce n'est pas une question, pour le moment, d'idéologie gauche ou droite. C'est une question nationale, au-delà des clivages idéologiques. Il ne faut être esclave d'aucun concept. Il faut cesser de prendre nos émotions pour de l'analyse. Nos erreurs durant des conjonctures notables montrent que, le plus souvent, nous restons prisonniers de théories importées. Si donc un concept ne s'applique pas totalement à la situation actuelle, il faut l'améliorer en fonction de nos besoins; s'il s'avère in-opérationnel, il faut le jeter à la poubelle. Point Barre. Ti Sentaniz doit faire partie du gros livre et qu'elle soit le centre de l'observation de celui qui lit dans ce gros livre pour parler à la manière de Maurice Sixto. Toujours suivant ce dernier, si Zabelbok est un enfant turbulent, il ne faut pas changer son nom par un quelconque papa lwa, il faut l'encadrer par des psychorééducateurs(rices). Il faut donner une éducation scientifique à tous les enfants haïtiens...

http://haiti-tribune.blogspot.com/2013/05/haiti-sortir-de-limpasse.html#.UZxFoZwoVJs
http://haiti-tribune.blogspot.com/2012/01/les-racines-profondes-de-la-crise.html#.UabIX5yoEh0
http://haiti-tribune.blogspot.com/2012/02/haiti-la-derive-continue.html#.UabI-JyoEh0

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