dimanche 18 août 2013

Michel Martelly et Laurent Lamothe, le summum de la crise haïtienne

Michel Martelly et Laurent LamothePetite réflexion ou questionnement sur l'impasse haïtienne; la crise qui n’en finit plus, et la persistance de nos élites à s'engoncer dans des schémas de pensée révolue. Parce que j'ai entendu trop souvent, et j'ai déjà donné mon point de vue sur cette question dont on s'enorgueillit sottement, qu'il y a plein d'Haïtiens qui brillent à l'extérieur. Pour moi, je trouve ça tout à fait naturel. Anténor Firmin a déjà magistralement fait la démonstration dans son livre De l’égalité des races humaines, et Cheikh Anta Diop dans son livre Nations nègres et culture est aussi arrivé à la même conclusion que lui, que le nègre n'a rien à envier aux autres genres de l'espèce humaine. Pour bien d'entre nous, il me semble que cela nous surprend qu'un nègre ait brillé dans les champs de la connaissance, donc ainsi je pourrais en déduire qu'on avalise implicitement la thèse de l'infériorité du nègre. Il y en a même un Haïtien au Québec, dont j'oublie le nom, qui a écrit un livre sur nos compatriotes qui ont laissé leur marque . Une perte de temps qui traduit la dépression intellectuelle, c'est-à-dire l'impuissance intellectuelle devant une réalité compliquée et complexe que constitue Haïti. Cette fuite en avant est l’arme morbide dont se parent les sophistes. Bien souvent, ils ne respectent nullement la division du travail intellectuel, ils se croient des touttistes capables d’intervenir sur tous les territoires de la connaissance : un médecin n’est pas un avocat; un pédiatre n’est pas un cardiologue; un juriste de droit constitutionnel n’est pas un avocat de droit criminel…

Cela remonte à un long temps déjà que j’avais remarqué que les questions haïtiennes sont traitées à la petite semaine par nos élites intellectuelles. Les questions haïtiennes sont traitées quand elles n’ont rien d’autres de sérieux à faire. Ce n’est pas sans raison que les écrits durant les trente ans du duvaliérisme ont passé à côté de la compréhension de cet ouragan politique; ce n’est non plus sans raison que la transition démocratique piétine. L’arrivée de Sweet Micky au pouvoir témoigne de ce laxisme cultivé pendant deux cents ans. Toutefois, il ne faut pas croire que Sweet Micky est l’exception à la règle : Soulouque, Nord Alexis, et j’en passe, ont été les Sweet Micky d’autrefois. Qu’en est-il de ceux qui étaient apparemment instruits? Bonnet blanc blanc bonnet. La culture n’a rien à voir à ce penchant dictatorial :  Sténiot Vincent, représentant parfait de l’intelligentsia haïtienne, n’a pas été tendre face à la Presse et à ses opposants, dont Jolibois a été le parfait tête de turc. Jacques Roumain en a gouté aussi des prisons de Vincent.

C'est une réflexion au premier degré de juste constater que des Haïtiens brillent en terres étrangères. Au second degré, s'ils sont si performants à ce point pourquoi échouent-ils piteusement en Haïti? Ils épatent à l'extérieur, ils s'assombrissent à l'intérieur, au point de lâcher le pays entre les mains d'apprentis sorciers comme Michel Martelly et Laurent Lamothe. Au troisième degré, que peuvent-ils faire pour virer la barque nationale du naufrage annoncé? Cette question est pour moi la plus intéressante puisqu'elle nous renvoie dans le plein feu de la pratique, de la preuve dont je ne sais par combien de la valeur de ces nombreux d'entre nous qui ont affirmé leur intelligence  dans les pays de très hautes civilisations mais qui sont incapables de dévier Haïti de sa course en enfer. La mentalité m'as-tu-vu chez l'Haïtien est son talon d’Achille. Les initiatives tape-à-l’œil le captivent, l'émerveillent, l'enflamment. La méthode, en posant des jalons pour atteindre un but, ne l'attire pas : du kou l cho l kwit voilà de la bonne marchandise! Entre l'investissement dans l'agriculture et la construction du Bicentenaire sous Dumarsais Estimé quelle aurait dû être la priorité? Entre l'éphémère et le durable que choisir?

Point n'est besoin de remonter à l'indépendance pour constater cette constante, ce pesanteur, dans les pratiques haïtiennes. Le texte de Boisrond Tonnerre a été préféré à celui de Chareron car son texte manquait de chaleur, donc ne touchait pas les cordes sensibles de Dessalines : l'émotion a pris le pas sur la raison, et cela pas le jour de la déclaration de l'indépendance mais le lendemain du 18 novembre 1803 après la bataille de Vertières. Et pourtant, la marche de l'Est, la prise de la partie dominicaine aurait dû être effectuée parce que les débris de l'armée française n'allait pas résister à une attaque des troupes de l'armée indigène. Aussi, la capitulation de cette armée a été négociée mollement par Dessalines. (voir Price Mars, La République d'Haïti et la République dominicaine, tome 1)

D'aucuns croiraient dans leur incapacité atavique puisque je l'ai dit au début de ce texte que leur réussite n'a rien de surprenant. Le contraire, par contre, le serait. Alors pourquoi nous avons comme dirigeants deux minables, en l'occurrence Michel Martelly et Laurent Lamothe, sans compter la masse des connards qui se retrouvent un peu partout dans les pouvoirs législatifs et judiciaires, et même dans ce qu'on appelle université en Haïti ? Je me demande parfois si les brillantes gens qui acceptent, malgré vents et marées, de rester au pays ne sont-ils pas très malheureux? Devant l’urgence que Martelly et Lamothe de rache manyok yo e bay tè a blanch, il ne faudrait pas que ça se passe comme à l’accoutumée, dans le cahot le plus total. Au contraire. Il faut que l’opposition assume la transition; il faut que cette transition soit planifiée pour que ces oiseaux méchants de la communauté internationale ne viennent nous imposer une solution bâtarde, car le lion ne pourra jamais être végétarien. Sa nature étant ce qu’elle est!

Il est inconcevable, pour paraphraser Juan Bosch dans l'introduction du pamphlet de Gérard Pierre-Charles Radiographie d'une dictature (qui n'en est pas une), qu'un pays qui a produit Toussaint Louverture, Jean Jacques Dessalines, Henri Christophe, Anténor Firmin, Jacques Roumain, Jacques Stéphen Alexis, et j'en passe, ait pu avoir comme président un Joseph Michel Martelly, comme Premier ministre un Laurent Salvador Lamothe! Et pourtant la réalité est bien là. têtue. Oui, beaucoup d’Haïtiens brillent à travers la planète- comme beaucoup de nègres indépendamment de leur provenance géographique-, mais le savant n’est-il pas celui qui doit trouver le secret des mystères en général? Pourquoi nos savants se sont-ils fait lessiver par le soi-disant énigme haïtien que Sauveur Pierre Étienne a essayé de décortiquer dans son essai du même nom? La force de l’intelligence n’est pas seulement de reproduire les connaissances existantes, c’est surtout d’en créer de tout neuf! La rareté des hommes créatifs chez nous n’est pas un problème congénital mais culturel: notre bon vieux système éducatif qui broie toute forme de créativité. Voilà notre impasse!

Ernst Jean Poitevien

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